Rapport Spécial n° 14 et le Rapport O'Brien : Projet Blue Book (1953-1966)

La période de en fut une ère de relations publiques pour Blue Book. Elle mit en place la tâche d'éducation du public quant à la "véritable" nature des ovnis, et essaya de contrebalancer l'intérêt soulevé par des croyants comme le major Keyhoe. Keyhoe avait créé un inconfort public lorsqu'il avait publié les réglements de l'Air Force qui interdisaient la diffusion de rapports d'ovnis au public (réglement 200-2 de l'Air Force) et révéla que les observations décrites dans les formulaires JANAP (publication conjointe de l'armée-marine-air force) 146 comme une offense criminelle. L'AFR 200-2 aurait également suggéré que l'ensemble des rapports d'ovnis soient résolus de quelque manière que ce soit. Comme on pouvait s'y attendre, les factions de Kehoe et de l'Air Force s'accordaient pas sur la signification des paragraphes suivants :

Les activités de l'Air Force doivent réduire le pourcentage de non identifiés au minimum. Jusqu'ici l'analyse a expliqué toutes les observations rapportées sauf quelques-unes. Les observations non expliquées sont traitées statistiquement comme non identifiées. Si des données plus immédiates, détaillées et objectives sur les cas inconnus avaient été disponibles, probablement que ceux-ci, aussi auraient été expliqués. Cependant, en raison des facteurs humains impliqués, et du fait que les analyses d'observations d'ovnis dépendent principalement des impressions et interprétations personnelles des observateurs plutôt que de données scientifiques précises ou de faits obtenus dans des conditions contrôlées, l'élimination de tous les cas non identifiés est improbable s1[s2AFR 80-17].

B-4. Réponse à l'intérêt public.
Le Bureau de l'Information du Secrétarait de l'Air Force (SAF-OI) maintient un contact avec le public et la presse sur l'ensemble des aspects du programme ovni et des activités associées. Des individus ou des organisations privés désirant des interviews, briefings, conférences, ou discussions privées sur les ovnis avec l'Air-Force seront informés d'adresser leurs demandes au SAF-OI. Les membres de l'Air Force n'ayant pas de lien officiel avec les investigations sur les ovnis devront limiter au maximum toute action ou commentaire sur les signalements d'ovnis pouvant induire le public en erreur ou le conduire à considérer ces opinions comme des conclusions officielles de l'Air-Force s3[s4AFR 80-17].

Condon maintint que les critiques avaient mal interprété les paragraphes, que le 1er ne suggérait en aucune manière une spéculation sur la nature de l'observation, mais simplement que l'enquête sur un rapport devait être menée avec sérieux et de manière approfondie. Il maintient également que le second était simplement une méthode pour minimiser la circulation d'histoires extravagantes et de rapports prématurés avant qu'une enquête soit terminée s5[Condon, op. cit., p. 530].

Pour réagir contre ces charges, l'Air Force, à la suggestion de Ruppelt, nomma Battelle pour déterminer si quelque chose dans les airs représentait des développements technologiques inconnus de ce pays, et de construire un modèle de soucoupes volantes d'après les données. Les conclusions de Battelle furent publiées en et furent intitulées Rapport Spécial n° 14. Les chercheurs rapportèrent qu'ils n'avaient pu, ni concevoir un modèle de soucoupe volante, ni trouver de preuve physique qu'elles existaient ; ils ne trouvèrent aucune tendance dans les données. David Saunders, plus tard un membre du groupe Colorado qui produisit le rapport Condon, déclara que quiconque avait réalisé l'étude l'avait fait de manière à minimiser la possibilité de trouver quelque chose de significatif :

Ce rapport de 100 000 $ financé par le contribuable sortit en et prétend être un traitement statistique sophistiqué de l'ensemble des données se trouvant dans les dossiers jusqu'à fin en , une période où l'Air Force continuait à obtenir des données intéressantes. Le rapport contient plus de 200 tableaux remplis de nombres. Il utilise également une statistique élémentaire connue sous le nom chi2 pour donner crédit à son principal argument. J'ai été surpris par le fait que la formule utilisée pour calculer le chi2 n'était même pas bonne. Et avec une régularité remarquable, celui qui a fait ces statistiques combinait les catégories de manière à minimiser ses chances de trouver quoi que ce soit de significatif s6[Saunders, David et R. Roger Harkins. UFOs ? Yes, New York, World Publishing Co. 1968, p. 115].

A nouveau l'Air Force s'était trompée sur la réaction du public. Au lieu d'apaiser la controverse, ce rapport l'activa encore plus, spécialement quand il fut critiqué par Ruppelt lui-même. Le groupe déclara que la probabilité pour qu'un des phénomènes INCONNUS examiné dans cette étude soit une soucoupe volante est extrêmement faible, puisque les rapports les plus complets et les plus fiables sur les données actuelles... n'aboutissent pas à déterminer même un modèle grossier...

Ruppelt riposte en disant que l'Institut n'a pas été engagé pour expliquer les rapports non identifiés ou pour résoudre le problème des ovnis, mais simplement pour déterminer si des développements technologiques inconnus étaient évidents dans leur mouvement.

Néanmoins, l'Air Force utilisa le rapport spécial n° 14 comme fondement de leurs doctrines officielles pendant de nombreuses années, ce qui leur permet encore de dire que le problème a été étudié scientifiquement et que la conclusion que l'on peut en tirer est que les OVNI ne sont pas des extra-terrestres. Lorsqu'il y eut d'autres directeurs du Blue Book, l'éducation du public devient le mot clef et des investigations furent laissées à des organisations privées d'ovnis qui commencèrent à fleurir.

Mais leur campagne de relations publiques n'était pas très efficace. De plus en plus de gens commencèrent à penser que l'Air Force voulait dissimuler quelque chose, et qu'ils avaient en fait la preuve que la Terre avait été visitée par des extraterrestres. Deux facteurs contribuant à cette théorie étaient que premièrement, l'Air Force refusait toujours aux médias l'accès à leurs dossiers, et deuxièmement que ceux qui connaissaient les activités du Blue Book ne pouvaient pas croire qu'une opération d'aussi faible priorité, avec un aussi pauvre budget, avec aussi peu de personnel, puisse réellement effectuer des investigations sur les rapports avec toute l'ampleur que l'Air Force réclamait elle-même. Ils pensaient donc que le Blue Book était une couverture pour une équipe d'investigations de plus haut niveau. Hynek se porte en faux contre cette théorie, en citant la rapidité avec laquelle on remplaçait les directeurs du Blue Book. Lorsque Ruppelt partit, le Projet fut dirigé par le Capitaine Harden, le Capitaine Gregory, le Major Friend et le Major Quintanilla. Il déclare également :

Toute mon association avec le Blue Book montra clairement que le projet s'intéressa rarement au côté scientifique du problème ovni. Il ne s'était certainement pas posé la question de savoir qu'est ce que l'on pouvait considérer comme problème central dans le phénomène ovni : y avait-il un processus physique ou psychologique ou même paranormal qui était à la base de ces rapports qui arrivaient à passer à travers les examens sévères et qui restaient toujours de véritable énigmes ? Un tel manque d'intérêt n'implique aucune charge de "dissimulation" ; c'est simplement parce qu'ils ne s'en souciaient pas. (68).

Pendant la période se situant entre la sortie du rapport spécial n° 14 (en ) et le rapport O'Brien (en ) un des problèmes majeurs du Blue Book était que le congrès voulait les entendre sur ce qu'ils étaient en train de faire. Pour éviter cela, chaque fois qu'un membre du congrès voulait aborder le sujet avec l'Air Force, on lui faisait une conférence particulière dans laquelle l'Air Force arrivait à le convaincre qu'une audition n'aurait comme résultat que de donner à penser à la population qu'il y avait quelque chose derrière les OVNI. Arrivé à ce point, le membre du congrès félicitait généralement l'Air Force pour sa conduite dans ce domaine et décidait de ne pas tenir d'audition. (69).

Une de ces conférences fut tenue pour un sous-comité et non pas pour un membre individuel du congrès. En en , la Chambre des Représentants mit en place un Comité Choisi pour l'Astronautique et l'Exploration de l'Espace. (Ce comité fut appelé plus tard Comité pour les Sciences et l'Astronautique et est appelé aujourd'hui Science et Technologie). Ce comité devait se pencher sur la question de savoir ce qu'il ressortirait de l'exploration de l'espace. Le Député John Mc Cormack (Démocrate du Massachusetts) présida le sous-comité sur les phénomènes atmosphériques et décida de tenir des auditions pendant une semaine sur les ovnis. Le 8 août il appela Françis Arcier, conseiller scientifique en chef de l'Air Force, le Capitaine Gregory (chef du Blue Book à cette période), les Majors Best et Byrne du service de renseignements de l'Air Force, et les Majors Brower et Tacker du Bureau d'Informations Publiques. Mc Cormack annonça au début de la session que ce n'était pas officiellement une audition, et en fait il n'y avait aucun sténographe présent. Les enregistrements cités par David Jacobs (Controverse OVNI en Amérique, 160-162) viennent apparemment des participants de l'Air Force eux-mêmes et ne sont pas une transcription officielle de la réunion (70).

A la fin de cette journée, le Député Mc Cormack annonça qu'il était satisfait de la façon dont l'Air Force avait traité ce sujet et qu'il n'y aurait pas d'audition officielle. L'Air Force une fois de plus évita la publicité.

Le répit fut cependant de courte durée, et en , ils furent de nouveau appelés au Capitole. David Jacobs rapporte que trois comités, House Armed Forces, House Science and Astronautics and Senate Preparedness, écoutèrent un exposé de l'Air Force sous la présidence du Député Smart. C'est une erreur. Seuls, les membres du comité étaient présents à l'exposé, ce qui retire beaucoup à l'importance que lui donne le résumé de Jacobs. Il déclare que "les gens du Congrès ont pour la première fois exprimé leur insatisfaction du programme OVNI, et qu'ils ont suggéré des étapes pour remédier à la situation". En fait, Smart était un membre de l'état-major du House Armed Services Committee (et non pas Armed Forces) (son prénom était Robert, et non pas Richard) et les autres participants cités par Jacobs (Spencer Beresford - et non pas Bereford, Richard Hines, et Frank Hammill - et non pas Hammit) faisaient partie du personnel du Comité pour les Sciences et l'Astronautique. Il n'y a ainsi aucune indication que des membres du Senate Preparedness Committee aient participé à cette conférence, et Jacobs ne cite personne de ce comité (71).

Quoique les membres de ces comités n'aient pas été aussi satisfaits que Mc Cormak de l'action de l'Air Force, il y eut peu de changements dans le Blue Book. en , l'intérêt du congrès diminua considérablement, ceci se poursuivit jusque en .

en , les choses se présentèrent différemment. Pendant 17 ans, de en la controverse ovni fit rage entre les parties directement intéressées - l'Air Force d'un côté et les groupes ufologiques privés de l'autre. La presse, le public, et le congrès furent impliqués sporadiquement, mais pour eux, le sujet ovni et la controverse sur le phénomène ne furent que d'un intérêt passager... Mais la période de en fut un tournant dans la controverse. Ceux qui se tenaient à la limite de la controverse furent activement engagée dans celle-ci. La presse, le public, le congrès et la communauté scientifique entrèrent tous dans le débat sur les ovnis. Le résultat fut que l'Air Force rendit finalement son monopole sur l'étude des ovnis et demanda à une université d'étudier le phénomène (72).

A la fin de 1965, l'ATIC avait reçu 887 rapports. Les médias recommencèrent à faire des comptes-rendus sur les ovnis, augmentant la connaissance du public, et Hynek suggéra qu'une autre commission de scientifiques réétudie la situation et le statut du Blue Book. Le résultat fut la création du Comité Ad-Hoc pour la révision du projet Blue Book, ce comité fut dirigé par le Dr. Brian O'Brien (et fut appelé le rapport O'Brien).

Avec O'Brien (un physicien), la commission était composée de la manière suivante : Dr. Launor F. Carter, psychologue, du System Development Corporation ; Dr. Jess Orlansky, psychologue, de l'Institut for Defense Analyses ; Dr. Richard Porter, ingénieur électricien ; le Dr. Carl Sagan, astronome et scientifique spatial, Smithsonian Astrophysical Observatory ; et Dr. Willis H. Ware, ingénieur électricien de RAND Corporation. Tous, excepté Sagan, étaient membres de l'Air Force Scientific Advisory Board.

Ils se réunirent une seule journée, le , réexaminant le Rapport et la Commission Robertson et furent mis au courant par celui qui était alors à la tête du Blue Book, le Major Quintanilla, et par le personnel de l'Air Force's Foreign Technology Division (une division nouvellement créée qui avait pris la responsabilité des investigations sur les ovnis). En mars, le groupe O'Brien sortit son rapport.

Leur analyse de la situation fut très similaire à celle du rapport Robertson. Ils déclarèrent de nouveau que les cas qui étaient restés non identifiés l'étaient seulement par suite du manque d'informations pour les résoudre, et citèrent le fait que même parmi les centaines d'astronomes constamment en train de surveiller et de photographier le ciel, il n'y avait eu aucun enregistrement sur un ovni. Ils admirent que les ressources de Blue Book étaient très pauvres, (à cette époque, il n'y avait qu'un officier, un sergent et un secrétaire), mais que l'effort était bien organisé.

Plutôt que de dissoudre Blue Book, la commission O'Brien recommanda de le renforcer... "Il y avait toujours la possibilité que l'analyse de nouvelles observations puisse fournir quelques compléments de connaissance scientifique ayant de l'intérêt pour l'Air Force. Le comité recommanda que le programme actuel soit étoffé de manière à fournir la possibilité d'investigations scientifiques pour des observations choisies, investigations plus détaillées et plus poussées qu'elles n'avaient pu l'être à ce jour (73).