Un des problèmes génériques avec les anomalies comme les Objets Volants Non-Identifiés et les serpents de mer est l'intangibilité des phénomènes. Que les phénomènes semblent implausible est déjà suffisant ; mais s'ajoute à ce problème la difficulté de vérifier les données, lorsque l'on veut faire des observations indépendantes des phénomènes. Par exemple, pratiquement les seuls élements concernant les serpents de mer en eau salée sont des témoignages oculaires ; il n'en existe pas de photographies, et il n'y a pas de carcasses à examiner s1Heuvelmans, B.: In the Wake of the Sea Serpents (New York: Hill and Wang, 1968), p. 435.. Encore une fois, avec les Objets Volants Non-Identifiés il semble y avoir des photographies et des "traces d'atterrissage" supposées ; mais leur validité repose à son tour sur le témoignage des témoins, du moins jusqu'à ce que quelque chose de vraiment exotique dans des photographies ou des "traces d'atterrissage" se révèlent les rendre intéressantes et indépendantes du récit des témoins.
Les savants du 18ème siècle avait peu confiance dans les récits de témoins de pluies de météorites. Ils, bien sûr, n'avaient pas la connaissance que nous avons de la psychologie de la perception, ni du large corps d'éléments expérimentaux de la fallibilité du témoignage humain. Mais ils avaient bien suffisamment d'expérience et de bon sens pour être sceptiques face aux témoignages oculaires d'anomalies. DeLuc, par exemple, pensait que des illusions d'optique étaient à blâmer pour certains signalements de pluies s2DeLuc, op. cit. note 61.. D'autres blâmaient des croyances superstitieuses s3Barthold, loc. cit. note 68..
Le véritable problème, cependant, était qu'il n'y avait pas de moyen de vérifier ce que les témoins avaient été vus, à l'exception des pierres elles-mêmes. Sans preuve indépendante, l'acceptation de l'intelligence sociale concernant les météorites constituerait un dangereux précédent. Car là se trouveraient des "faits" auxquels les savants croyaient, mais qu'ils n'avaient pas personnellement confirmés. Le système de contrôle qualité des données ne pouvait pas fonctionner si de tels récits étaient admis dans le corpus de la science. Une partie, bien que limitée, du contrôle de l'enterprise scientifique passerait entre les mains de non-scientifiques. Des juristes et le clergé, pour ne pas parler de paysans ignorants, devraient-ils instruire des savants ? Non : mieux valait que ces "faits" soient niés, du moins jusqu'à ce qu'ils puissent être soumis au contrôle scientifique.
Les pierres météoritiques fournirent la possibilité d'un tel contrôle. Comme nous l'avons déjà noté, la 1ère analyse chimique d'une météorite ne permit pas de détecter son origine extraterrestre ; pas plus que ne fut exploitée la ressemblance de pierres météoritiques entre elles. Il est important de noter dans ce cas que les indices physiques ne parlaient pas d'eux-mêmes ; il fallait les interpréter. Presque 3 décennies plus tard, alors que la chimie était passée par une révolution majeure et que les techniques s'étaient grandement améliorées, l'analyse chmique montra les particularités des météorites, et la similitude de leurs apparence et composition fut alors vue comme une preuve de leur origine commune. Les éléments disponibles en 1772 et 1801 n'étaient différent qu'en quantité ; mais l'utilisation faite de ces éléments fut bien plus efficace en 1801. A l'époque analyse chimique était vue comme une méthode de contrôle des données — comme un moyen de séparer les vraies météorites des fausses — et le scientifique n'était plus entièrement dépendant du récit des témoins. Avec le contrôle des données assuré dans les mains des scientifiques, les météorites pouvaient être acceptées dans le corpus de la science. La recherche sur les météorites pouvait aller de l'avant, libérée de l'entrave du doute et du ridicule.