Lorsque le Prince de Tarsia raconta d'abord à Tata comment une pierre était tombée des airs près de la rivière Crati, Tata nous dit :
J'eu du mal à contenir l'envie de rire qui me prit en entendant l'histoire que me racontait ce jeune cavalier avec le plus naïf des airs de conviction. Je lui demandais juste s'il pouvait m'envoyer la pierre de Calabre (où il l'avait laissée) et me procurer un rapport circonstancié des témoins oculaires de sa chutes1 Ibid., 16..
Comme nous l'avons vu, Tata fut impressionné à la réception de la pierre et de la déclaration sous serment qui l'accompagnait. Pourtant il ne publia pas son récit avant 1794 (39 ans plus tard), après une autre pluie près de Sienne. Ses raisons sont intéressantes :
A partir de cette époque, le Prince de San Severo et le Marquis Mauri tentèrent souvent de me persuader de publier tous les détails ; mais d'autres amis m'en dissuadèrent. Ils m'avertirent que les savants et les demi-savants (encore plus à craindre) m'attaqueraient sur ce sujet ou prétendraient être élégants face à moi en ne me traitant qu'avec incrédulité. Ces raisons me décidèrent en faveur du silences2Ibid., 23..
Pas plus que ces peurs n'étaient injustifiées. Le comportement de Saint-Amand et Bertholon face à la pluie de Barbotan de nombreuses décennies plus tard n'est qu'une parmi de nombreuses réactions similaires qui eurent lieu durant la controverse.
Une partie du problème était le faible statut de nombre des témoins. Le physicien Patrin, en évaluant l'analyse
chimique de Howard et de de Bournon, remarqua que bien que de nombreuses éminentes personnes aient été impliquées dans
le fait de livrer les pierres aux chimistes, les témoins effectifs n'étaient même pas nommés. Il déclara qu'il est
facile de voir que ce type d'indice n'est même pas une probabilité ; parce que tout le monde sait que des
milliers d'absurdités ont été certifiées par des milliers de témoins de cette nature
s3Patrin, E.-M.-L.: "Considérations sur les Masses de Pierres et de Matières
Métalliques qu'on Suppose Tombées de l'Atmosphère", JPCHN, vol. 55 (1802),
pp. 376-393, à 379 (souligné dans l'original).. Les "pierres de foudre" avancées dans le passé avaient fourni un
exemple de la crédulité de la multitude. Il y avait aussi le problème des illusions d'optique. Le géologue DeLuc pensait
que le témoins de la pluie de Wold Cottage avait vu la foudre frapper une roche, donnant lieu à la
croyance qu'elle était descendue avec l'éclair s4DeLuc, G. A.: "Sur la Masse de Fer de Sibérie, et sur les Pierres supposées
tombées de l'Atmosphère", Journal des Mines, vol. 13 (1803), pp. 92-107.. Il pensait qu'il était
dangereux de traiter ces récits sérieusement, parce que :
C'est ainsi que des événements mal vus et mal jugés, dont les phénomènes volcaniques par-dessus tout démontrent de nombreux exemples, amènent dans l'erreur les naturalistes qui, croyant à l'exactitude des récits, formeront des systèmes basés sur eux qui seront sans fondements5Ibid., 106..
L'acceptation de ce type de données court-circuiterait le système de contrôle qualité qui avait été si long à construire. Le système ne pouvait être protégé qu'en rejetant des données si difficile à vérifier.
Une autre partie du problème était l'implausibilité intrinsèque de ce qui était supposé arriver. D'où les pierres pouvaient-elles bien provenir ? Les volcans et les tornades furent suggérés par des savants comme des agents possibles, et d'autres allèrent même jusqu'à suggérer que les pierres puissent s'être formées dans l'air s6Izarn, op. cit. note 13; also Guettard in Pliny, op. cit. note 40; J. de La Lande, "lettre de Jerome de la Lande au C. Delamétherie, sur les Pierres de Foudre", JPCHN, Vol. 55 (1802), 451-53.. Chladni suggéra que leur origine puisse être cosmique, mais ce n'était pas vraiment mieux, du moins pour la majorité de la communauté scientifique. Un physicien suggéra que même si une de ces pierres tombait à ses pieds, il n'y croirait toujours pas s7Chladni, op. cit. note 12, 9.. Jusqu'à ce que Laplace et Biot suggèrent qu'elles puisse avoir pour origine les volcans lunaires s8Biot, op. cit. note 25., aucune des explications ne sembla tenable. Et probablement que ce qui ne pouvait être expliqué n'avait jamais eu lieu !
Freud fait une remarque très pertinente dans ses Nouvelles conférences d'introduction à la psychanalyse, om
il met en contraste 2 manières de traiter une hypothèse. Supposez, dit-il, que
des gens nous disent que le centre de la Terre est
rempli d'acide carbonique. Nous pourrions penser que c'est improbable, mais si ils devaient nous montrer une manière
de tester cette hypothèse, nous pourrions effectivement faire le test. Mais
supposons maintenant qu'ils nous disent que le centre de la Terre
est remplie de confiture. Dans ce cas, nous n'envisagerions même pas l'idée. Au lieu de cela, notre attention serait
focalisée ailleurs, et nous nous demanderions quel type de personne on doit être pour arriver à de telles notions,
ou au pire nous lui demanderions d'où il tient ça
s9Freud, S. trad. Strachey, J.: The Complete Introductory Lectures in
Psychoanalysis (New York: Norton, 1966), 496.. De nombreuses manières les témoins de météorites et leurs
champions furent traités comme des personnes qui avaient avancé la théorie de la confiture. Au lieu que l'hypothèse
des météorites soit examinée sérieusement, l'attention fut concentrée sur la manière dont les témoins auraient pu se
tromper, et une grande pression reposait sur les "vrais physiciens" d'éviter eux-mêmes de telles erreurs s10Voir Fougeroux et al., op. cit. note 16, 251.. Plus d'une fois il fut suggéré qu'un amour
du merveilleux
, très dangereux pour la science, se trouvait derrière la
croyance et l'intérêt pour ces récits s11 Patrin, op. cit. note 60, 393; Barthold, C.: "Analyse de la Pierre de
Tonnerre", JPCHN, vol. 50 (1800), pp. 169-176, à 174.. Dans cette lute contre la superstition
, le
ridicule fut un outil très utile. A cause de son utilisation, de nombreuses personnes (comme Tata) hésitèrent à
transmettre des récits ; d'autres, comme Stütz, avancèrent leurs hypothèses
avec beaucoup de réticence. Certains attendaient jusqu'à ce que d'autres signalements soient fait avant de faire le
leur n1"Jamais je n'ai raconté cette histoire et shewed la substance concreted à personne (which I should not have done but that the subject was now agitating) ..."
Bingley, W.: lettre dans Gentleman's Magazine, vol. 60, Pt. 2 (1796), 727.. Chladni, qui publia
audacieusement ses propres conclusions de manière non équivoque, fut attaqué sur de nombreux fronts s12Chladni, op. cit. note 12, 8-9. Le ridicule fut un outil particulièrement efficace dans la
controverse ; malheureusement, elle était dirigée vers le mauvais objet. Il ne fait pas de doute dans ce cas que cela
ralentit l'avancée de la science.