Comme de nombreux phénomènes naturels relativeement rares, les pluies de météorites étaient généralement observées par des personnes qui n'étaient pas des savants. Des récits de la pluie, et les météorites elles-mêmes, devaient généralement être transmises aux savants par des personnes extérieures à la communauté scientifique. L'acquisition des données et specimens provenant de non-scientifiques n'est pas inhabituelle en science, bien sûr. De nombreux musées d'histoire naturelle, par exemple, reposent pour une large part sur des collectionneurs d'animaux qui à leur tour reposent sur des aides et trappeurs locaux. Dans certains cas ces relations deviennent si régulières qu'elles deviennent une entreprise commerciale majeure. Même lorsqu'il n'y a pas d'argent impliqué, nous voyons fréquemment des flux d'information sur des événements potentiellement intéressants en direction des "experts" n1L'échange de specimens en retour d'opinions d'experts à leur sujet constitue une relation intéressante du point de vue de la sociologie du savoir, et mérite une discussion plus étendue que l'espace ici ne le permet.. Une étude générale de ces flux de réseaux d'information ferait un sujet de recherche intéressant en lui-même. Ici, cependant, nous devons confiner notre attention sur la manière dont des signalements et météorites sont arrivés entre les mains de savants. L'attention a déjà été attirée sur le rôle joué par les musées et les bibliothèques comme points de sommation. Mais comment les signalements et spécimens arrivent-ils à ces points ?
Prenons d'abord les signalements. Certains des signalements étaient contenus dans les livres d'auteurs antiques, dans des histoires locales et dans les rapports de voyageurs, scientifiques ou autres. Le rôle écrasant, cependant, fut joué par les journaux scientifiques. Le fait d'avoir un signalement publié dans un journal scientifique était important pour plusieurs raisons. D'abord, cela signifiait que le signalement allait être largement disséminé. Ensuite, quelqu'un d'ature pouvait écrire une réponse au premier article, offrant ainsi une couverture supplémentaire du sujet. Enfin, cela pourrait amener des gens à rédiger leurs propres signalements d'observations similaires.
Même un article qui tentait de démonter le phénomène pourrait, en un effet non-anticipé, propager de l'information à son sujet et amener à ce que plus d'attention lui soit accordé s1Voir Westrum (1978), op. cit. note 3.. Enfin, les articles d'un journal scientifique étaient souvent indexés et parfois réédités dans d'autres langues. Le résultat net était que l'information sur les météorites qui allait dans les journaux scientifiques n'était pas susceptible d'être perdue, ni totalement ignorée.
La transmission des météorites elles-mêmes montre un schéma tout aussi complexe. Typiquement les témoins de la pluie étaient des paysans, fermiers ou personnes rurales. Souvent ils apportaient la pierre au prêtre, seigneur ou responsable officiel local, qui la transmettait alors à un savant ou une autorité supérieure. Les pierres utilisées dans l'analyse chimique de 1772 furent vues tomber près de Luce par plusieurs ouvriers. Un échantillon arriva bientôt dans les mains de l'Abbé Bachelay, un correspondant de l'Académie des Sciences. Bachelay transmit alors l'échantillon avec une note à l'Académie. Dans un autre cas, l'Abbé Domenico Tata entendit son ami le Prince de Tarsia parler d'une pierre que 5 bergers calabrais avaient vue tomber en 1755 s2Tata, op. cit. note 10.. Il demanda au Prince de lui envoyer la pierre, qui arriva avec une déclaration sous serment formelle. Tata était très intrigué par la pierre et la plaça dans le bibliothèque publique, où elle pouvait être examinée par d'autres. Elle fut perdue au bout d'un certain nombre d'années.
L'importance de ces réseaux de transmission ne peut être exagérée. Il est vrai que dans certains cas (très peu avant 1803) les savants enquêtèrent sur les cas eux-mêmes sur les lieux. Mais la plupart du temps ils étaient dépendants des rapports et spécimens qui leur étaient transmis par des non-savants. Cependant les réactions des savants à ces transmissions furent loin d'être homogènes. Certains, comme Tata, les considéraient comme très importantes ; mais d'autres leur accordaient une valeur bien différente. Nous allons maintenant explorer un effet de l'attitude négative, l'utilisation du ridicule, sur la transmission de ces données.