Le phénomène ovni

L'hégémonie américaine

Méheust remarque que le scénario des enlèvements, quasiment tous américains, s'apparente de moins en moins au space opera et de plus en plus à la sorcellerie s1Méheust 1992, p. XVI et 105. Ce n'est pas faire injure aux peuples du Nouveau Monde (qui sont à l'origine du phénomène ovni) de dire qu'ils sont jeunes. Au nord, le pragmatisme. L'âme américaine attend toujours confusément la fin de la pensée. Elle rêve d'un univers où il n'y aurait à la limite que du factuel : actions, faits fortuits, bruits, catastrophes, spectacles, conflagrations, aberrations, rencontres insolites. Et réactions humaines à tout cela : passions, lubricité, interventions de la force et de la volonté pures, elles-mêmes événements, elles-mêmes feux d'artifice. Et s'il y avait pensée, ce serait un fait parmi d'autres s2P. Vadeboncœur. Mais les américains sont dualistes ; ils croient aussi en Dieu (à 95 %) et au Diable (à 70 % ; contre 60 % et 20 % en France). Toute cette histoire de NDE me fait penser aux ovnis, remarquait un noir. Les américains veulent coloniser la mort comme ils le font déjà avec l'espace. Nous n'avons pas de passé, il faut bien que nous nous inventions un futur. Que nous révèlent de l'avenir ces enlèvements qui occupent maintenant le devant de la scène ufologique ? Du sadomasochisme s3Méheust 1992, p. 90. Ainsi termina l'Empire romain. Si le soucoupisme me suggère quelque chose, c'est que le mythe américain touche à sa fin. Quant à l'Amérique latine et son réalisme fantastique... : Le Brésil est un pays d'avenir, disait Claudel, et qui le restera longtemps.

Un mythe ?

Si les effets des soucoupes volantes nous paraissent si étranges, c'est parce que ces dernières font exactement ce qu'on attend d'elles, c'est-à-dire qu'elles se manifestent exactement en fonction du type d'étrangeté attendu par le siècle s4Méheust 1978, p. 86. Je déduis de cette remarque, parfaitement exacte, que le phénomène ovni relève de la rumeur populaire et n'a donc aucun intérêt historique. Une rumeur, c'est de la spiritualité morte, un renoncement de soi au profit de dieux (internes ou externes) qu'on veut croire autonomes. C'est de la mode. Méheust y voit au contraire un mythe en gestation s5Méheust 1978, p. 317 et 327 s6Méheust 1992, p. XVI, sans qu'on suive son raisonnement. Plus les péripéties alléguées heurtent notre sens du possible, dit-il, et plus elles sont banales mythiquement s7Méheust 1992, p. 80. D'une part, l'étrangeté d'un récit relève de l'imagination, pas nécessairement du mythe. De l'autre, un sociologue n'est pas en droit de parler de banalité mythique à propos d'un phénomène objectif qu'il n'a pas su ou pu prédire ; c'est là, comme disait R. Aron, de la prédiction a posteriori.

Un 2ème argument qu'avance Méheust est l'importance existentielle fréquente de la rencontre pour un contacté s8Méheust 1992, p. 108 et 124 : de quel droit sinon du plus fort vouloir faire d'une expérience personnelle, d'une "impérience", un mythe décisif pour l'avenir de l'humanité ? Construire de l'orthodoxie a toujours été le meilleur moyen d'évacuer la morale. Méheust fait ici de la théologie, bien qu'il la dénonce par ailleurs s9Méheust 1992, p. VI et 176. En ce sens, l'ufologie ne sert nullement l'humanité, elle sert les ufologues ; tout comme le freudisme ne sert pas les malades, mais les psychanalystes n1Tout comme la politique ne sert plus en France, depuis 20 ans, le pays ou le peuple, mais les politiciens.

Un 3ème argument, le plus solide pourrait-on dire, est le caractère matériel du phénomène s10Méheust 1978, p. 86. Ce qui renvoie à la parapsychologie.