La bande des soeurs Maier

De mystérieux satellites

en , Donald Keyhoe annonce que 2 satellites artificiels gravitent autour de la Terre ; ils défient les lois de la physique et leur orbite est très irrégulière. Il ne s'agit pas d'engins fabriqués par l'homme. Le en août, Aviation Week and Space Technology apporte de nouveaux éléments sur cette affaire dans sa section Washington Roundup : L'inquiétude du Pentagone sur l'observation de 2 satellites jusqu'ici non observés orbitant autour de la Terre s'est dissipée avec l'identification des objets comme étant des satellites naturels, non artificiels. Le Dr. Lincoln LaPaz, expert en corps extraterrestres de l'Université du Nouveau-Mexique, a dirigé le projet d'identification. Un satellite orbite à environ 400 miles au large, tandis que la piste de l'autre est à 600 miles de la Terre. Le Pentagone a un moment pensé que les Russes avaient battu les U.S. dans les explorations spatiales.

Expérience radiophonique

le , à la station radio WGN de Chicago, les 2 satellites sont toujours le sujet de conversation. L'animateur, Jim Mills, et son invité du jour, l'ufologue John Otto (que les documents de la CIA désignent comme le méchant dans notre histoire et la canaille), ont l'idée d'essayer de communiquer avec les fameux satellites. Le plan d'action est précautionneusement planifié et gardé secret jusqu'au jour du plan. A exactement en pendant l'émission, Mills fait l'annonce qu'ils vont tenter d'envoyer un signal aux satellites en orbite, et d'amener les extraterrestres à retourner un message pour les auditeurs. Mills announce que dans 10 mn - à en ils demanderont aux extraterrestres d'envoyer leur message en prononcant les mots Come in Outer Space. Les auditeurs ne sont prévenus que 10 mn à l'avance, afin d'éviter qu'un d'entre eux prenne un camion avec l'équipement radio adapté pour émettre un signal. Mills announce qu'une fois les hommes de l'espace avertis, ils vont couper les micros du studio pendant en . Ils continueront, cependant, d'émettre vers les auditeurs de Chicago. Si extraterrestres il y a, ils s'attendent à ce qu'ils se branchent sur l'émetteur de WGN, et envoient leur signal aux auditeurs. Ceux-ci sont d'ailleurs encouragés à courier prendre un magnétophone pour enregistrer le signal, si jamais il arrivait. A en , Mills prononce les mots fatidiques : Come in Outer Space et coupe les micros. Les 2 hommes ont une radio dans le studio et se mettent, eux aussi, à l'écoute. Ils s'asseyent et attendent les en indiquées, sans succès. L'émission se termine et les 2 hommes quittent le studio.

Des témoins

Cependant, des auditeurs vont déclarer, eux, avoir entendu quelque chose. Une fois Mills et Otto loins du studio, 4 appels signalent avoir entendu le message extraterrestre. Ils viennent de divers endroits dans l'auditoire radio. Des documents de la CIA révélèrent que 5 opérateurs radio amateurs ont également déclaré avoir enregistré ces messages codés venant de l'espace (un auditeur au Wisconsin indique avoir fait un enregistrement du message, mais qui ne sera jamais retrouvé).

Parmi ces appelants, se trouvent notamment Marie et Mildred Maier, 2 sœurs plus âgées habitant au nord du studio. Au téléphone cependant, les 2 sœurs se déclarent furieuses de la blague que la station a faite aux auditeurs : il n'est pas drôle de jouer jingle bells en prétendant que c'était un message venant de l'espace. On leur répond que jingle bells n'a pas été joué et une visite chez les demoiselles est arrangée. John Otto rencontre les femmes pour obtenir leur histoire et réussit à avoir une copie de la bande. La bande est alors diffusée un certain nombre de fois sur l'antenne. Cela sonne apparemment comme jingle bells avec une sorte de bruit bizarre de telex au fond.

CIA

en , les sœurs Maier rapportent au Journal of Space Flight leurs expériences avec les ovnis, dont le "code non identifié" qu'elles ont enregistré. Le Bureau du Renseignement Scientifique (OSI) de la CIA est intéressé et demande à la Scientific Contact Branch d'obtenir une copie de l'enregistrement s1Edwin M. Ashcraft, Directeur, Contact Division (Scientific), memorandum au Directeur, Bureau de Chicago, Radio Code Recording, 4 Mars 1955 et Ashcraft, Memorandum au Directeur, Support Branch, OSI, 17 Mars 1955.

Des officiers de terrain de la Division de Contact (CD), dont un certain Dewelt Walker, prennent contact avec les sœurs Maier, qui frissonnèrent de l'intérêt du gouvernement, et conviennent d'un moment pour les rencontrer s2La Division de Contact a été créée pour recueillir de l'information de renseignement étranger par des sources à l'intérieur des états-Unis. Voir Directorate of Intelligence Historical Series, The Origin and Development of Contact Division, 11 juillet 1946-1 juillet 1965 (Washington, DC ; CIA Historical Staff, juin 1969.). En essayant de s'assurer de la bande magnétique, les officiers de l'Agence rapportèrent qu'ils étaient tombés dans une scène d'Arsenic et Vieilles Dentelles. Il ne manquait plus que le vin de sureau, câbla Walker au Siège. Après avoir épluché l'album où elles conservaient des coupures de presse du temps où elles étaient sur scène, les officiers purent prendre possession de l'enregistrement s3George O. Forrest, Directeur du Bureau de Chicago, memorandum au Directeur, Contact Division for Science, 11 Mars 1955. L'OSI analyse la bande et n'y trouve rien de plus qu'un code en morse d'une station radio US.

Davidson

L'affaire en reste là jusque en Leon Davidson interroge les sœurs Maier. Celles-ci se souviennent avoir parlé à un certain M. Walker, qui disait faire partie de l'US Air Force. Davidson écrit alors à un dénommé Walker, pensant qu'il est officier de renseignement de l'USAF de Wright-Patterson, pour lui demander si la bande avait été analysée par l'ATICd113Remplacé par FTD. Walker répond à Davidson que la bande a été transmise aux autorités chargées de l'évaluer, et qu'aucune information n'est disponible quant aux résultats. Insatisfait et suspectant Walker d'être en fait un officier de la CIA, Davidson écrivit au DCI Allen Dulles, réclamant de savoir ce que le message codé révélait, et qui est Walker s4Support Division (Connell), memorandum à Dewelt E. Walker, 25 Avril 1957. L'Agence, souhaitant garder secrète l'identité de Walker comme employé de la CIA, répondit qu'une autre agence du gouvernement a analysé la bande et que Davidson aura des nouvelles de l'USAF s5J. Arnold Shaw, Assistant to the Director, lettre à Davidson, 10 Mai 1957. Le en , l'USAF écrivit à Davidson, déclarant que Walker était et est un officier de l'USAF, et que la bande est analysée par une autre organisation du gouvernement. La lettre de l'USAF confirme que l'enregistrement ne contient qu'un code en morse identifiable, provenant d'une d'une station de radio connue disposant d'une autorisation gouvernementale s6Support (Connell) memorandum to Lt. Col. V. Skakich, 27 août 1957 s7Lamountain, memorandum to Support (Connell), 20 Décembre 1957.

Davidson écrivit de nouveau à Dulles. Cette fois, il veut connaître l'identité de l'opérateur morse, et de l'agence qui a conduit l'analyse. La CIA et l'USAF se trouvent maintenant dans une impasse : alors que la 1ʳᵉ a nié précédemment avoir jamais analysé la bande, la 2de a aussi nié l'analyse de la bande et a prétendu que Walker était un officier de l'USAF. Des officiers de la CIA, sous couverture, contactèrent Davidson à Chicago et lui promettent d'obtenir la traduction du code et l'identification du transmetteur, dans la mesure du possible s8Lamountain, cable to Support (Connell), 31 Juillet 1958.

Lors d'une autre tentative pour calmer Davidson, un officier de la CIA, toujours sous couverture, et portant uniforme de l'USAF, contacte Davidson à New-York City. Celui-ci explique qu'il n'y avait pas de super-agence impliquée, et que la politique de l'USAF n'est pas de divulguer qui fait quoi. Alors qu'il semble accepter cet argument, Davidson insiste néanmoins pour la divulgation du message de l'enregistrement, ainsi que de la source. L'officier consentà voir ce qu'il peut faire s9Support (Connell) cable à Skakich, 3 octobre 1957 s10Skakich, cable à Connell, 9 Octobre 1957. Après s'en être assuré auprès du Siège, l'officier de la CIA téléphone à Davidson pour lui dire qu'une recherche consciencieuse a été faite et, comme le signal était d'une origine américaine connue, la bande et les notes prises à l'époque ont été détruites pour ménager de la place pour le classement s11Skakich, cable à Connell, 9 octobre 1957.

Saisi d'une vive colère contre ce qu'il perçoit comme une volte-face, Davidson dit à l'officier de la CIA que lui et son agence, quelle qu'elle soit, agissent comme Jimmy Hoffa et la Teamster Union en détruisant des preuves qui pouvaient les accuser s12R. P. B. Lohmann, memorandum pour le Directeur, Contact Division, DO, 9 janvier 1958. Persuadée que tout nouveau contact avec Davidson ne ferait qu'encourager la spéculation, la Division de Contact se lave les mains de la question en rapportant au DCI et à l'ATICd114Remplacé par FTD qu'elle ne répondra plus à Davidson ni n'essaiera plus de le contacter s13Support, cable à Skakich, 20 Février 1958 s14Connell (Support) cable à Lamountain, 19 décembre 1957.

s15Haines, Gerald K.: "A Die Hard Issue: CIA's Role in the Study of UFOs, 1947-90", Studies in Intelligence, n° 11997 s16Rodeigher, M: "The CIA's UFO History", IUR (CUFOS) s17Cameron, Grant: "AFFA Sends a Message", Presidential UFO