Le capitaine Clérouin dirige les services de renseignement de l'Armée de l'Air, sous les ordres du général Lionel Max Chassin.
en , accompagné de Latappy, rencontre Aimé Michel au fond d'un bistrot.
Au sujet des ovnis, il déclare à Michel :
Le secret militaire ? Laissez-moi rire ! Des secrets sur de petites choses, tant que vous voulez. Ceux-là, on se les cache, on se les vole, on se les vend tant bien que mal un peu partout dans le monde. Mais une chose aussi énorme que les soucoupes volantes, vous n'y pensez pas ! Pour qu'un engin, un seul, à l'état de prototype, vole comme les soucoupes sont censées le faire, il faudrait, vous le savez aussi bien que moi, une révolution de la physique. C'est déjà énorme. Toutes les révolutions scientifiques se font simultanément dans tous les pays avancés, et ce que les Américains savent, les Russes le savent aussi à très peu d'écart près, et inversement. Ne m'objectez pas la bombe atomique : la bombe ne correspondait à aucune révolution scientifique. Mais surtout, pour permettre à une seule soucoupe de s'envoler, il faudrait une révolution industrielle, l'effort de tout un pays, une véritable mobilisation des richesses, des moyens et des esprits. Sacrebleu ! C'est comme si vous parliez de monter une locomotive dans ma chambre à coucher à mon insu.
Michel répond :
Fort bien, la soucoupe russe ou américaine est absurde. Mais alors ?
Clérouin et Latappy échangent un regard.
Euh, Oui, et alors ?
Michel ouvre sa serviette et étale des feuillets sur la table :
Alors, voilà. Faites-vous une enquête, oui ou non ? Tout est devant vous.
L'"ami" aux moustaches énigmatiques posa sur les feuillets un œil allumé, un peu fébrile, extirpa de sa propre serviette un énorme cahier plein d'une écriture fine, serrée et qui semblait illustré ça et là de dessins extraordinairement prometteurs et semé de coupures de presse.
Oui. Comme vous, je fais une enquête. Mais je vous présente un précurseur : M. Latappy qui, lui, recueille tout depuis le début, depuis l'affaire Arnold, en . Personne en France n'en sait plus que lui. Il n'est pas militaire. Il est le dessinateur de Forces Aériennes Françaises, notre revue de l'armée de l'Air. Mais tout ce que j'ai, il l'a.
Cela existe, dis-je, et ce n'est ni russe ni américain. Disons le mot : s'il s'agit d'engins (et comment expliquer les meilleures observations autrement ?), ils ne sont pas d'origine terrestre. Eh bien, il faut le dire !
Parfaitement : dites-le.
Moi ? Il faudrait que j'aie des preuves autres que le témoignage. Mais vous, vous avez l'autorité. Vous pouvez vous passer de la preuve - le témoignage de l'armée est assez convaincant.
Dites-moi, mon petit ami, dois-je comprendre que vous êtes en train d'inciter un officier de l'armée française à faire publier un communiqué proclamant que ladite armée croit aux soucoupes volantes, bien qu'elle n'en ait aucune preuve ? Seriez-vous un saboteur, par hasard ? Garçon ! un rhum pour Monsieur!
Mais alors, que faire ?
Cherchez la preuve. Et apportez-la-nous. Si elle est sans réplique, vous l'aurez, votre communiqué. Mais voulez-vous mon avis ? Si cette preuve était possible, on l'aurait déjà trouvée. Une photo' Un film ? Il y en a déjà. Comment savoir s'ils ne sont pas truqués ? On retombe dans le témoignage. La seule preuve, c'est une soucoupe sur un plat d'argent, ou au moins un morceau. Et je crois que c'est là une revendication déraisonnable. Tout a été observé, absolument tout, sauf une preuve.
Par la suite Clérouin a d'excellents rapports avec Michel. Il suggère sous forme de
boutade que les soucoupes volantes pourraient être l'humanité future visitant son passé, idée qui enchantera Jean Cocteau. Il a des images saisissantes pour illustrer l'impuissance de notre esprit en
présence d'un psychisme surhumain comme pourraient l'être les ovnis : Le poisson qui fait le tour de son bocal
croit avoir fait le tour du monde, et les images entrevues à travers sa prison de verre seront tenues par lui pour
d'absurdes hallucinations s'il est un rationaliste, ou pour des divinités s'il est un mystique.